Malgré tous les efforts investis par les municipalités du Québec à planifier leurs mesures d’urgence en cas de sinistre ou d’évènement majeur, la communication auprès de l’ensemble des parties prenantes demeure un élément négligé. Pourtant la gestion des communications en situation d’urgence est l’un des éléments-clés de la réponse à un évènement. Outre l’impact sur la perception des publics, un mauvais message peut empêcher ou retarder la mise en place d’actions correctrices.
Il importe de souligner qu’il est ici question d’urgence et non de crise. Cette précision rejoint la pensée de certains auteurs, dont Hélène Denis de l’école Polytechnique de Montréal, qui s’entendent pour dire qu’une crise est une situation inattendue qui provoque un blocage sérieux de l’action. Une véritable crise a pour effet d’altérer de façon durable l’environnement d’une municipalité, ses relations avec sa population, ses partenaires, son personnel. Bref, on parle de crise uniquement lorsqu’il y a une fracture dans la relation entre une municipalité et ses diverses parties prenantes. Or, tel n’est heureusement pas toujours le cas, car une situation d’urgence se gère peu importe la gravité à condition d’être prêt.
Maintenant, répondez à ces quelques questions : avez-vous un plan de mesures d’urgence? Avez-vous un plan de gestion des enjeux de communication en situation d’urgence? Est-ce que votre plan de gestion des communications identifie clairement les ressources nécessaires pour répondre à une situation d’urgence? Les processus d’approbation et de réalisation? Les rôles et responsabilités? Quels seront les canaux de communication qui seront privilégiés? Qui seront vos porte-parole? Avez-vous des contenus (textes, vidéos, illustrations, etc.) de préparés et prêts à être transmis à chacun de vos publics en situation d’urgence? Si vous avez répondu non à l’une ou l’autre de ces questions vous êtes possiblement à risque dans la gestion de vos communications en situation d’urgence.
Les principaux risques associés à la communication d’urgence
Deux facteurs particuliers dictent l’évolution et le rythme de la réponse à un évènement : le temps et l’information. Aussitôt confrontés à une situation d’urgence, les responsables des mesures d’urgence d’une municipalité doivent prendre acte rapidement de la situation, structurer et mettre en place leur réponse pour un éventuel retour à la normalité et communiquer avec chacun des publics prioritaires. Toutefois, il s’agit d’une course contre la montre, car plus le temps passe, plus les risques que la situation ne s’aggrave augmentent. De plus, de nombreux acteurs, notamment les médias, chercheront eux aussi à obtenir des informations pour les transmettre à leurs publics respectifs. Ils définiront pour ainsi dire l’évènement en présentant une interprétation des faits qui sera prise en compte par les publics et qui risque d’ajouter de la confusion aux efforts de la municipalité à déployer ses premières actions.
D’autres enjeux peuvent nuire au déploiement des mesures d’urgence et à la communication :
La mobilisation et le déploiement des ressources. Le temps de réaction et la mise en place d’une structure d’urgence auront pour effet d’accélérer ou de retarder la mise en place d’un plan d’action et l’implantation d’une stratégie de communication. Par exemple, un retard logistique (connexion, logiciels, partage de documents, etc) peut faire perdre des heures précieuses
L’accès à l’information. La structure de gestion de l’urgence doit permettre de recueillir l’ensemble des renseignements nécessaires pour comprendre l’évènement en cours et prendre les meilleures décisions. Les renseignements doivent être accessibles, vérifiés et vérifiables en tout temps, et nourrir la stratégie de communication.
La vitesse de propagation de l’information. L’information se propage en temps réel dans les divers espaces publics. Aussitôt transmise dans l’un ou l’autre des réseaux – formels ou informels, médiatiques ou sociaux – elle est prise en compte par les divers publics. Ainsi, la représentation de l’évènement en cours évolue au rythme des informations transmises, qu’elles soient officielles, officieuses ou – pire encore – fabriquées. L’information ne connait aucune frontière et atteint divers autres publics qui deviennent des observateurs et des commentateurs de l’évènement.
La généralisation des médias sociaux. Tout incident est susceptible de trouver écho dans les réseaux sociaux. L’information peut se propager et évoluer parallèlement aux médias traditionnels ou donner plus de poids à leurs reportages. Des communautés d’intérêts peuvent se créer en marge de l’incident. Des internautes peuvent être directement touchés ou concernés par l’incident, tandis que d’autres peuvent agir en observateurs et commenter les moyens que prend la municipalité pour gérer l’urgence. Ainsi, l’évènement que vous devez gérer à une portée qui dépasse largement les limites de votre territoire. Que l’information repose sur des faits ou qu’elle soit le fruit de rumeurs, elle se propage en temps réel, sans filtres et sans frontières. De plus, nombre d’internautes utilisent les réseaux sociaux afin d’interpeler directement la municipalité et obtenir de l’information.
La pluralité des acteurs. Une municipalité fait partie d’un environnement composé de nombreux acteurs. Ils sont plus ou moins touchés ou concernés par une situation d’urgence et cherchent à obtenir de l’information. Tous ces acteurs peuvent aussi exercer une influence sur le déroulement des opérations et faire ingérence dans les communications auprès des différents publics de l’organisation. Tous n’exercent pas la même influence, mais dans leur ensemble ils constituent une menace ou des alliés pour la municipalité.
Le scepticisme des publics. Les publics sont de plus en plus méfiants à l’égard des élus et des organisations. Sur le plan de la communication, le défi pour une municipalité est de s’engager dans une relation bilatérale directe avec ces publics. La communication se double désormais d’un nouvel obstacle : dissiper l’incrédulité des publics.
La mouvance de l’opinion publique. L’opinion publique est en profonde mutation. Dans les faits, l’opinion publique se conjugue au pluriel au gré des intérêts, des communautés et des cultures. Le défi est de s’inscrire rapidement dans une fine communication adaptée aux différents publics. Il faut considérer qu’il n’y a plus un seul message pour tous, mais des messages ciblant chacun des publics touchés ou concernés par une situation d’urgence.
Ainsi, comme nous pouvons le constater, la gestion des communications en situation d’urgence est parsemée d’enjeux et d’obstacles. Toutefois, une municipalité peut réussir à s’imposer en respectant certains facteurs de réussite.
Miser sur ses avantages
En situation d’urgence, une municipalité dispose généralement au tout départ d’un avantage fondamental : elle est la détentrice exclusive de l’information et de l’explication de l’évènement. Cet avantage peut toutefois s’avérer de très courte durée, car d’autres acteurs, notamment les médias, chercheront à obtenir de l’information par des tiers. Il faut donc savoir miser sur cet atout pour occuper l’espace public dès le départ et positionner la municipalité, comme la principale (sinon la seule) source d’information fiable et crédible.
La question ici n’est pas principalement de préserver l’image de la municipalité et de ses porte-parole politiques ou administratifs, mais plutôt d’éviter toute confusion dans l’information véhiculée qui risquerait de conduire au chaos. En misant sur cet avantage, une municipalité s’assure que la population a accès à des informations non contradictoires.
Faire preuve d’empathie et de solidarité
Dans une situation d’urgence, on compte toujours plusieurs personnes sinistrées ou menacées. La première règle à suivre consiste à diriger les communications vers ces personnes en témoignant une empathie et une solidarité véritable.
Toutes les actions entreprises visent à rétablir leur situation. En termes de communication, il ne faut jamais oublier qu’il s’agit des publics prioritaires. Les choix qui doivent être faits en matière de communication et de transmission des informations doivent donc viser à les rejoindre le plus rapidement et le plus efficacement possible.
Miser sur la cohérence et la transparence
La seule façon de gérer efficacement ses enjeux de communication en situation d’urgence consiste à respecter les principes de la cohérence et de la transparence. Si le public ou les médias ont l’impression que les informations transmises par la municipalité ne sont pas crédibles, ils iront les chercher ailleurs.
À cet égard, comme les besoins d’information sont élevés et que les ressources sont nécessairement limitées, il importe de se concentrer sur la priorité des communications en pareille circonstance : transmettre des informations justes qui sont utiles dans l’immédiat pour les publics visés.
Maintenir un lien direct avec les gestionnaires des mesures d’urgence
En situation d’urgence il est fondamental d’établir un lien direct entre les gestionnaires des mesures d’urgence et l’équipe de communication. Pour que l’information soit communiquée rapidement et efficacement, il faut éviter qu’elle s’enlise dans les cheminements hiérarchiques habituels.
La municipalité doit faire connaitre en temps réel ses décisions et les actions qu’elle met en œuvre pour rétablir la situation.
Cette constatation en implique une autre : en temps d’urgence, il est essentiel que la population sache que la situation est prise en charge au plus haut niveau. Les élus et la direction générale doivent s’adresser à la population touchée et démontrer que la situation est sous contrôle.
En conclusion, les municipalités ont le devoir de disposer d’un plan de communication d’urgence pour permettre la bonne conduite des opérations. Un plan de communication d’urgence et une structure particulière à la gestion des communications en situation d’urgence permettent de réunir rapidement tous les renseignements pour mieux saisir l’ampleur et le contexte d’un évènement, mobiliser les ressources au déploiement d’un plan d’action, d’informer les divers acteurs et publics touchés ou concernés, partager les résultats des actions prisent, voire même célébrer les succès et le retour à la normalité.
Mais disposer d’un plan de communication d’urgence n’est pas tout. Il faut savoir se préparer et de simuler divers scénarios annuellement. Êtes-vous prêts?
Ce texte est publié dans le numéro d’automne de la revue CARREFOUR de la Corporation des officiers municipaux du Québec.
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