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Les femmes se font couper la parole plus rapidement que les hommes lorsqu’elles s’expriment dans les médias

18 février 2023
par Martine Rioux

Lorsqu’il s’agit de discuter de politique sur les ondes des grands réseaux américains, les femmes ont 10 % moins de temps de parole que les hommes. Cela pourrait avoir un effet sur leur tendance à couper la parole plus souvent que les hommes. C’est ce que révèle une étude réalisée par une intelligence artificielle, entraînée par une équipe de chercheurs du Rochester Institute of Technology et de Carnegie Mellon University.

Grâce à l’intelligence artificielle, les scientifiques ont pu analyser plus de 625 409 discussions issues de différents segments en provenance des réseaux américains (CNN, FOX News et MSNBC) entre janvier 2000 et juillet 2021. C’est le plus grand corpus jamais analysé de ce genre aux États-Unis.

Le système a démontré que les femmes pouvaient prononcer en moyenne 72,8 mots par occasion de parler, contre 81,4 pour leurs collègues masculins. Lorsqu’on analyse de plus près les résultats de l’étude, on constate que les politiciennes ne peuvent prononcer que 59,2 mots par occasion, contre 68,1 mots pour les politiciens. Les afro-américaines font néanmoins excellente figure avec 72,2 mots en moyenne par intervention.

Du côté, des journalistes qui interagissent avec ces politiciens, le ratio est de 86,5 mots pour les femmes contre 94,7 mots pour les hommes. Dans tous les cas, la proportion demeure sensiblement la même : les femmes ont 10 % moins de temps de parole que les hommes.

Encore une fois, mentionnent les chercheurs dans leur étude, il est possible de confirmer le déséquilibre dans les conversations entre les hommes et les femmes. 

Interruptions agressives

L’utilisation de l’intelligence artificielle a permis de pousser l’analyse plus loin. Sur les 275 420 discussions au cours desquelles l’un des interlocuteurs en interrompait un autre, le système a fait ressortir que les femmes coupaient la parole dans 39,4 % des cas, contre 35,6 % des cas pour les hommes. Probablement, car elles souhaitaient ainsi récupérer du temps de parole.

Néanmoins, l’intelligence artificielle a repéré une différence dans la façon d’interrompre l’autre entre les hommes et les femmes : ces dernières interrompaient leur interlocuteur de manière plus élégante que les hommes, qui eux le faisaient généralement de façon plus agressive et intrusive.

Ce constat vient renforcer des recherches antérieures qui avaient déjà démontré que les hommes interrompent davantage les femmes pour prendre le contrôle d’une conversation ou les empêcher de s’exprimer. Seule consolation, ils sont encore plus agressifs envers leurs collègues masculins.

L’analyse, résolument ancrée dans le contexte américain, a aussi permis d’identifier que les représentants du Parti Républicain interrompaient plus souvent les autres et étaient plus virulents dans leurs interventions que les représentants du Parti Démocrate. De même, lors de leur passage sur les ondes de CNN ou de MSNBC, les Républicains avaient des comportements plus intrusifs envers leurs interlocuteurs que sur les ondes de Fox. Ce dernier point démontre également l’influence des affiliations politiques sur la propension à couper la parole et sur la manière de le faire.

Une utilisation en direct

Les chercheurs de Rochester Institute of Technology et de Carnegie Mellon University continuent d’entraîner leur système d’intelligence artificielle. Ils espèrent qu’il pourra être utilisé éventuellement pour analyser en temps réel les interruptions dans les talk-shows, les interviews et les débats politiques. 

Selon eux, cela pourrait être utile pour permettre de signaler les interrupteurs en série, de mieux informer le public pendant un débat et peut-être même contribuer à assurer des discussions plus constructives qui pourraient être réorientées en direct par les animateurs.

Ici et ailleurs dans le monde?

Existe-t-il des études comparables ailleurs dans le monde? 

  • Au Canada, une étude  a démontré, en 2020, que les médias consacraient 17 % moins de temps médiatiques aux politiciennes qu’à leurs collègues masculins. 
  • En France, en 2019, les femmes n’occupaient en moyenne qu’un tiers du temps de parole à la télévision et à la radio. 
  • Nous n’avons rien trouvé pour le Québec.

En complément : 

Un article publié par le principal chercheur sur le site d’information scientifique The Conversation – Women get fewer chances to speak on CNN, Fox News and MSNBC, according to an AI-powered, large-scale analysis of interruptions

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