Les révélations troublantes du quotidien La Presse voulant que le téléphone portable du journaliste Patrick Lagacé avait été mis sous surveillance pendant des mois, dans le cadre d’une enquête du SPVM contre l’un de ses enquêteurs, ont provoqué de vives réactions convergeant toutes vers la protection des sources journalistes et de la protection de la vie privée. L’indignation s’est généralisée bien au-delà des limites du territoire de la ville de Montréal ayant même son écho un peu partout dans le monde.
La sortie publique – et très médiatisée – du chef du SPVM, Philippe Pichet, n’a convaincu personne. Le SPVM s’est donné le droit de franchir une limite inacceptable aux yeux d’une grande majorité de Québécois, selon ce que rapporte un récent sondage, même si le service de police avait obtenu – 24 fois plutôt qu’une – l’autorisation d’une juge pour utiliser cette technique d’enquête. « Une mesure exceptionnelle, nous a dit le chef Pichet, pour une situation exceptionnelle ».
Nous verrons au fil du temps s’il s’agissait vraiment d’une mesure exceptionnelle utilisée par le SPVM. Mais la Sûreté du Québec a confirmé qu’elle aussi avait épié six autres journalistes dans le cadre d’une autre enquête criminelle. Les membres de la Commission de la sécurité publique de Montréal devraient entendre prochainement, à huis clos, les explications du chef Pichet. Le gouvernement du Québec a annoncé trois mesures visant à préserver le principe « fondamental » de la liberté de presse dont un « processus d’inspection » du SPVM, de la SQ et du Service de police de la Ville de Québec.
Le SPVM est l’artisan aujourd’hui de son propre malheur. L’idée même de demander un mandat à un magistrat pour surveiller les communications d’un journaliste aurait dû provoquer une profonde réflexion au sein de l’équipe de direction. La nature de la demande exigeait une remise en question de cette technique d’enquête pour des raisons évidentes d’autant plus qu’il ne s’agissait pas d’une enquête pour mettre la main sur un terroriste, sur un kidnappeur d’enfant ou un tueur en série. Le SPVM voulait simplement savoir qui, au sein de son service, parlait avec le journaliste ! D’un point de vue de gestion le risque était largement supérieur au bénéfice. Or, le chef Pichet a déclaré lundi qu’il n’avait pas pris la décision mais qu’il en avait été informé. La légitimité de son leadership est aujourd’hui directement atteinte.
L’affaire Lagacé témoigne d’une chose. Du choc entre la culture organisationnelle qui prévaut au SPVM (et nous verrons éventuellement pour les autres services de police) et les valeurs que préconisent aujourd’hui les Québécois. Jamais le SPVM ne s’est attardé un seul instant à mesurer l’impact que pourrait avoir la transgression d’une ligne – ne serait-ce qu’imaginaire – qui départage le travail des policiers et la valeurs d’une société démocratique. C’est cette culture policière d’une autre époque qui s’est exprimée lundi lorsque le chef Pichet a déclaré – après avoir pris soin de dire que son service avait respecté toutes les règles – que cette affaire … (allait) plus loin qu’une enquête criminelle, c’est un débat de fond ». Or, les Québécois et la classe politique québécoise et canadienne se sont exprimés : C’est non.
Reste à voir maintenant comment le SPVM et son chef vont réagir. Mais clairement le statu quo est impossible. La culture organisationnelle au sein du SPVM est à changer. L’époque d’une police qui se permet tout ne passe plus dans l’opinion publique. Les Québécois veulent un service de police à l’image de leurs valeurs.
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