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Espionnage d’un journaliste : Le SPVM rate son entrée en scène

31 octobre 2016
par Steve Flanagan

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM)  a reconnu avoir placé sous surveillance le téléphone mobile du journaliste Patrick Lagacé afin de connaitre l’identité de ses interlocuteurs. Cette « mesure exceptionnelle » a été prise dans le cadre d’une « situation exceptionnelle » selon le chef du SPVM alors que sa section des Enquêtes Spéciales visait des enquêteurs spécialistes des gangs de rue et du trafic de drogue. C’est donc dans le cadre de cette enquête nommée « Projet Escouade » que le SPVM a demandé et obtenu au moins 24 mandats de surveillance concernant le téléphone du journaliste de La Presse.

L’affaire révélée par le quotidien La Presse a rapidement provoqué un tsunami médiatique au pays. Toute la presse canadienne s’est sentie subitement menacée et s’est solidarisée derrière le journaliste Lagacé pour dénoncer cet acte d’espionnage, une atteinte claire (…) à la protection des sources journalistiques et du droit du public à l’information. L’histoire a même trouvé son écho sur la scène internationale lorsque le célèbre lanceur d’alerte Edward Snowden publia un gazouillis faisant allusion à cette affaire sur son compte Twitter.

Toute la journée, de nombreuses personnalitées politiques se sont exprimées. Le maire de Montréal s’est dit « préoccupé », le ministre québécois de la Sécurité publique s’est dit « surpris », le ministre fédéral de la Sécurité publique s’est dit prêt à « débattre des règles policières » , etc. Bref, toute la journée à peu près tout le monde s’est exprimé sur le sujet. Sauf le SPVM.

Il était 16h29 ce 31 octobre 2016, près de 12 heures après la publication des révélations de La Presse, lorsque le chef du Service de police de la Ville de Montréal, Philippe Pichet, s’est adressé à la presse. Aussi bien dire une éternité. Son message principal : « Situation exceptionnelle – mesure exceptionnelle ». Sans donner plus de précision.  Même s’il a voulu rassurer le public en soulignant que l’espionnage du journaliste a été réalisé « dans le respect de toutes les règles » il a sans doute donné un second souffle à la crise qui secoue son service en affirmant que cette affaire « …va plus loin qu’une enquête criminelle, c’est un débat de fond ».  Autrement dit, la police a utilisé les outils policiers et judiciaires en toute légalité pour espionner un journaliste. Si la société désapprouve qu’elle change les règles! Toutefois, les journalistes ont surtout retenu – et nous pouvons les comprendre – que le chef Pichet n’a pas écarté la possibilité que d’autres journalistes soient placés sous surveillance policière.

Bref, le SPVM a complètement raté son entrée dans la gestion d’une crise qu’elle a elle-même provoquée. Toutes les questions que le public et les journalistes se posaient depuis la matinée sont demeurées sans réponses. Pourquoi espionner un journaliste? En quoi les informations obtenues ont-elles fait ou feront-elles une différence dans l’enquête policière? Les informations obtenues avaient-elles une si grande valeur? En quoi la situation était vraiment exceptionnelle? Est-ce que d’autres journalistes ont fait l’objet ou font-ils l’objet d’une telle surveillance? Et d’autres questions encore…

Il sera intéressant de suivre l’évolution de cette affaire car la sortie du chef de police n’a rien eu de rassurant dans les circonstances. Et surtout il n’a rien proposé pour rassurer la société civile qu’une telle histoire demeure effectivement « exceptionnelle ».

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