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Crue printanière: Réussir ses communications en eaux troubles

15 avril 2018
par Steve Flanagan

La protection des rives et la gestion des territoires inondables passent pratiquement inaperçu aux yeux des citoyens sauf en situation d’urgence. Lors de la crue printanière le principal défi d’une municipalité est d’être prête à communiquer les risques, à conseiller ses citoyens, et à les accompagner par une communication fiable et crédible lors d’une inondation. Alors que les municipalités du Québec veillent la crue printanière et surveillent le niveau des cours d’eau, nous jetons un regard sur la communication pour accompagner les riverains.

Les inondations du printemps 2017 un peu partout au Québec ont démontré l’importance d’une communication efficace et précise destinée avant tout vers les sinistrés. Informations et alertes météorologiques, niveau des cours d’eau, conseils préventifs, mesures de protection des propriétés à prendre, mesures d’évacuation, appel à la solidarité, soutien logistique, etc., bref, la communication est au cœur de la gestion des opérations et de l’accompagnement des personnes sinistrées.

Encore faut-il que le niveau de préparation des municipalités et des citoyens soit adéquat. Selon l’Université de Waterloo, en Ontario, la majorité des Canadiens (94%) et des Québécois (89%) ne savent pas s’ils sont à risques et sous-estiment la protection requise.

Pourtant, dans la seule région métropolitaine, deux épisodes de crues historiques ont été vécus en l’espace de sept ans. D’abord dans le bassin de la rivière Richelieu en 2011, et il y a un an dans celui de la rivière des Outaouais. Toujours au printemps 2017, pour l’ensemble du Québec, le bilan de la Sécurité publique fait état de 291 municipalités touchées, 5 300 résidences inondées et plus de 4 000 personnes évacuées de leur domicile.

Préparation variable dans les municipalités

L’état de préparation des municipalités canadiennes pour répondre à une inondation est variable. Toujours selon l’Université de Waterloo la ville d’Ottawa était la mieux préparée en 2015 et la seule à avoir obtenu une note de A-, alors que Montréal occupait le sixième rang avec un B- et Québec le douzième rang sur quinze avec une note de C-. Au Québec plus des deux tiers des municipalités n’ont pas de plan de mesures d’urgences à jour.

Il est tout de même incroyable que municipalités et citoyens soient si peu préparés de façon générale à affronter la crue printanière, ce que reconnaissait l’automne dernier le ministre de l’Environnement de l’époque, David Heurtel. Même si on ne peut relier un événement exceptionnel aux changements climatiques, selon le scientifique en chef, les inondations représentent néanmoins la catastrophe naturelle la plus importante au Canada, engendrant des coûts faramineux.

L’expérience du printemps 2017 a cependant provoqué une profonde remise en question de la prévention et la gestion des inondations au Québec, et de nombreuses mesures sont implantées pour offrir une meilleure réponse à la gestion de la crue printanière. À Montréal, la Commission de la sécurité publique a formulé une série de recommandations dans son rapport d’événement et de rétroaction sur les inondations de l’an dernier pour faire de Montréal une communauté résiliente aux inondations. Un objectif ambitieux, mais nécessaire, si l’on considère que la communication pour favoriser une meilleure préparation des citoyens à la gestion de la crue printanière et des inondations n’est pas encore totalement intégrée dans les stratégies de prévention dans les municipalités.

Communiquer le risque ou non?

Plusieurs municipalités hésitent à adopter une stratégie de communication pour informer les riverains des mesures à prendre pour se préparer à la crue printanière et à de possibles inondations. L’hésitation repose sur la crainte « de faire peur » aux riverains et d’augmenter leur niveau d’inquiétude. Les raisons invoquées sont purement administratives car elles supposent des augmentations d’appels téléphoniques, un soutien logistique et une charge de travail accrue pour les équipes impliquées dans la surveillance du niveau des cours d’eau et la gestion des inondations. Pourtant, impliquer les citoyens dès le début de la période de veille du niveau des cours d’eau c’est de les responsabiliser et de les aider à mieux planifier la protection de leurs familles et de leurs biens.

C’est le choix de la Ville de Gatineau qui a mis en ligne, encore cette année, un portail dédié à la crue printanière 2018. On y retrouve de nombreuses informations permettant aux citoyens de mieux se préparer et de se tenir informé pour recevoir de l’information en temps réel. Les niveaux d’eau des rivières Gatineau et des Outaouais sont clairement indiqués permettant aux citoyens d’avoir une bien meilleure connaissance des faits.

À Montréal, l’arrondissement Pierrefonds-Roxboro, fortement touché par les inondations l’an dernier, s’est aussi engagé sur la voie de la prévention et accompagne ses citoyens au quotidien. La stratégie de communication déployée par l’arrondissement Pierrefonds-Roxboro vise à informer les citoyens du niveau des eaux de la rivière des Prairies, de les outiller pour mieux se préparer à gérer une inondation et protéger leurs biens, et de répondre à toutes leurs questions. L’arrondissement a produit entre autres un guide du citoyen pour se préparer en cas d’inondation et une série de capsules vidéo expliquant et montrant comment calfeutrer ses fenêtres, réaliser une digue avec des sacs de sable, préparer une trousse d’urgence de 72 heures, etc…

Communiquer en situation d’urgence

Quoi faire en cas d’inondation? Quelle posture devrait adopter une municipalité avec l’ensemble de ses partenaires, telle que la Sécurité civile du Québec, pour mieux communiquer.

Dans une situation d’urgence, on compte toujours plusieurs personnes sinistrées ou menacées. La première règle à suivre consiste à diriger les communications vers ces personnes en leur témoignant une empathie et une solidarité véritables.

Toutes les actions entreprises visent à rétablir leur situation. En termes de communication, il ne faut jamais perdre de vue que ce sont les premiers publics à qui l’on s’adresse. Les choix qui doivent être faits en matière de moyen de communication doivent donc viser à rejoindre ces publics le plus rapidement et le plus efficacement possible.

Si les citoyens ont été impliqués dès le début de la période de veille du niveau des cours d’eau et que les canaux de communication ont été clairement indiqués il devient beaucoup plus facile de les rejoindre rapidement et de leurs transmettre des informations pertinentes en temps réel.

Les étapes de la gestion des communications en situation d’urgence

 L’état de situation

Peu importe la situation et le risque auquel le citoyen est confronté la première règle à suivre est de l’informer. Les moyens à prendre sont multiples : alertes SMS, appels téléphoniques, messages sur le site Internet de la municipalité, message sur la page Facebook, communiqué de presse, etc… L’important est d’utiliser le ou les meilleurs canaux de communication pour rejoindre rapidement et le plus efficacement un grand nombre de citoyens touchés ou concernés par la situation. C’est à ce moment précis que la municipalité se positionne dans l’espace public et auprès de ses citoyens comme la source d’information de l’événement. Elle assure une lecture des faits et assume le leadership de la communication.

La prise en charge

Dès lors que la municipalité a fait connaître la situation auquel les citoyens sont confrontés elle se doit de communiquer les actions qu’elle prend ou entend prendre. Dans une situation de gestion de l’urgence une municipalité a bien entendu une responsabilité d’action et c’est précisément l’action qui devient l’objet de la communication. Soulignons par ailleurs que si la municipalité a une obligation d’action elle n’est pas obligatoirement une responsabilité de résultat immédiat puisque parfois elle n’est pas le seul acteur à gérer la situation d’urgence. Néanmoins la municipalité maintient son leadership dans la communication auprès de ses citoyens et définit elle-même le rythme de point de contact avec ses publics (ex. : diffusion d’informations trois fois par jour) tout comme elle choisi et identifie ses moyens et canaux de communication. À cette étape-ci, toute la communication doit viser les personnes qui sont touchés et concernés par la situation d’urgence. Il est tentant parfois de répondre à des enjeux secondaires (ex. : politiques) qui risquent de distraire davantage que d’aider les citoyens.

L’accompagnement

Une communication efficace permet également de répondre à divers besoins des citoyens. Que ce soit pour obtenir de l’aide, une assistance médicale, de l’hébergement ou pour mobiliser des bénévoles chaque message est d’intérêt et vise à soutenir les personnes touchées et concernées par une inondation.

Disposer d’un plan

 La gestion des communications en situation d’urgence est parsemée d’enjeux et d’obstacles. Toutefois une municipalité peut s’imposer en exécutant certains facteurs de réussites. Elle doit capitaliser sur ses avantages, notamment sur le fait qu’elle est souvent la seule détentrice des informations à pourvoir. Elle doit obligatoirement faire preuve d’empathie et de solidarité à l’égard des personnes touchées et concernées par l’urgence. Une municipalité doit aussi miser sur la cohérence et la transparence pour accentuer sa crédibilité auprès de tous ses publics et de l’ensemble des acteurs impliqués dans la gestion de l’urgence. Mais surtout elle doit disposer d’un plan de communication d’urgence pour permettre la bonne conduite des opérations pour réunir rapidement tous les renseignements pour mieux saisir l’ampleur et le contexte d’un événement, mobiliser rapidement les ressources, informer les divers acteurs et publics touchés ou concernés et partager les résultats des actions prisent, voire même célébrer les succès et le retour à la normalité.

Bref, la clé du succès réside dans la qualité et son niveau de préparation.

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