
À l’approche du scrutin fédéral, les projecteurs se braqueront bientôt sur une scène familière, mais toujours déterminante : celle des débats des chefs. Moment fort de toute campagne électorale, ces confrontations télévisées ne se jouent pas uniquement sur le terrain des idées, mais aussi — et surtout — sur celui de la perception. Alors que les partis politiques peaufinent leurs stratégies, une question s’impose : comment gagne-t-on un débat ?
L’histoire politique nous offre des réponses éclairantes
En 1960, le tout premier débat des chefs télévisé opposait John F. Kennedy à Richard Nixon. Les deux hommes maîtrisaient leur dossier, mais Kennedy avait compris un détail fondamental : l’image. Pendant que Nixon, pâle, mal rasé et transpirant, répondait d’une voix hésitante, Kennedy, bronzé, calme et confiant, s’adressait directement à la caméra avec aisance. Résultat : les téléspectateurs, en majorité, ont perçu Kennedy comme le gagnant. Ce fut un tournant décisif.
Le message était clair : dans un débat, la forme peut peser autant, sinon plus, que le fond.
Au Canada, un autre échange est resté gravé dans la mémoire politique : celui entre John Turner et Brian Mulroney, lors du débat de 1984. Mulroney, en quelques phrases bien senties, a désarmé Turner sur la question du favoritisme politique : « Vous aviez le choix, monsieur. Vous aviez le choix. » Cette réplique, répétée avec fermeté, a exposé les faiblesses de son adversaire, donnant à Mulroney l’image d’un homme intègre et déterminé. Ce moment de télévision, aussi court qu’il fût, a contribué à renverser l’élan de la campagne.
Ces exemples démontrent que gagner un débat des chefs, ce n’est pas seulement livrer des arguments convaincants. C’est incarner la stature d’un leader. C’est démontrer de la clarté dans ses réponses, de la maîtrise dans la répartie, et une capacité à simplifier des enjeux complexes sans les banaliser. C’est, ultimement, faire naître la confiance.
Les clés de la victoire pour chaque chef
Les débats des chefs qui s’annoncent promettent leur lot d’enjeux cruciaux. Ce qui se dessine comme étant la question de l’urne, à savoir, qui est le meilleur chef pour faire face à Donald Trump, sera déterminante. Voici les clés de la victoire pour les 3 chefs en avance dans les sondages au Québec.
Pierre Poilievre
L’épreuve sera de se défaire de l’image qui lui colle à la peau : celle d’un tribun agressif, parfois comparé à Donald Trump dans son style. Il lui faudra adopter une posture de premier ministre, projeter le calme, la compétence et l’équilibre. C’est le moment pour lui de rassurer et de prouver qu’il est prêt à gouverner l’ensemble du pays, pas seulement à mobiliser sa base.
Mark Carney
Mark Carney, devra quant à lui démontrer qu’il n’est pas uniquement un technocrate au CV impressionnant. Il lui faudra injecter de l’émotion dans son message, incarner une vision mobilisatrice, et surtout démontrer qu’il maîtrise suffisamment le français pour s’adresser aux Québécois sans intermédiaire. Sa sensibilité aux enjeux propres au Québec — notamment en matière de langue, de culture et d’économie — sera scrutée avec attention.
Yves-François Blanchet
Du côté du Bloc québécois, Yves-François Blanchet aura pour mission de rappeler pourquoi un vote pour son parti demeure pertinent dans un contexte fédéral. Il devra convaincre que le Bloc est le meilleur rempart pour faire entendre la voix du Québec, notamment dans les débats cruciaux entourant la guerre tarifaire qui se dessine entre grandes puissances. Pour Blanchet, le défi est double : se distinguer dans le feu croisé des débats nationaux, tout en ramenant habilement la conversation sur les intérêts spécifiques du Québec.
Jagmeet Singh
Jagmeet Singh, quant à lui, devra sortir de l’ombre. Charismatique et accessible, il jouit d’un capital de sympathie, mais peine à traduire cette popularité en appuis électoraux concrets. Lors des débats, il devra marteler les enjeux économiques et sociaux qui forment l’ADN du NPD, tout en se positionnant comme une réelle alternative progressiste.
Jonathan Pedneault
Enfin, le Parti vert, représenté cette fois-ci par Jonathan Pedneault, devra recentrer le discours sur l’urgence climatique, rappeler la pertinence d’un engagement environnemental structurant, et démontrer que les Verts ne sont pas qu’un parti protestataire, mais une force politique crédible.
Gagner la confiance des Canadiens
Enfin, gagner un débat, ce n’est pas qu’une question de lignes apprises par cœur. C’est démontrer une vision claire, savoir incarner l’espoir, et surtout, établir un lien de confiance avec les électeurs. Ceux-ci doivent regarder au-delà des slogans et chercher qui, parmi les candidats, est capable non seulement de débattre, mais de gouverner. Parce que gagner un débat, c’est bien. Gagner la confiance pour diriger le pays, c’est mieux.
Comment écouter les débats des chefs
Le Débat des chefs en français se tiendra le 16 avril à 18h. Le débat des chefs en anglais se tiendra le 17 avril 2025 à 19h
- En direct sur toutes les plateformes de Radio-Canada : ICI RDI, ICI Télé et ICI Première, Radio-Canada OHdio, Radio-Canada.ca et ICI TOU.TV.
- Pour connaitre toutes les autres plateformes diffusant les Débat des chefs en français et en anglais : https://www.debates-debats.ca/fr/nouvelles/2025/ou-regarder-debats/index.htm
Stéphane Bouchard est conseiller sénior en relations gouvernementales chez Flanagan Relations publiques.