Le plus important tournoi de tennis au Canada, la Coupe Rogers, débute demain à Montréal (tournoi féminin) et à Toronto (tournoi masculin) que déjà la meilleure joueuse canadienne, Eugenie Bouchard suscite la controverse dans une partie de la presse francophone au Québec. Mardi dernier, peu après sa défaite au premier tour au Citi Open de Washington, Eugenie Bouchard a déclaré lors de son point de presse qu’elle devrait peut-être demeurer dans la capitale américaine pour éviter la folie montréalaise entourant sa participation (traduction libre). Elle a glissé au passage – avec humour – qu’elle pourrait en profiter pour visiter quelques musées. Elle répondait ainsi à la question d’un journaliste qui lui demandait comment elle envisageait sa participation à la Coupe Rogers à Montréal alors qu’elle n’avait pas connu de succès lors de son dernier passage en 2014. Eugenie Bouchard avait alors perdu son match de 1er tour face à l’américaine Shelby Rogers, une joueuse nettement moins bien classée à l’époque que la montréalaise.
Le Journal Métro en a vite fait une manchette et son journaliste a qualifié de « désinvolte » la réponse de l’athlète québécoise en laissant planer le doute sur sa participation au tournoi. Pour peu qu’on prenne la peine de voir le point de presse d’Eugénie Bouchard qui a duré exactement 7’56’’ on réalise à quel point le journaliste a péché par sensationnalisme plutôt que de rapporter les propos d’Eugenie Bouchard fort intéressant sur son match, sur sa participation ou non aux Jeux olympiques de RIO, et sur la controverse sans fin qui enflamme les médias sociaux à propos de Kanye West et Taylor Swift !!! Avec son franc-parler habituel, son humour et sa générosité à l’égard des médias, Eugenie Bouchard a répondu aux treize questions qui lui ont été adressée. Un exercice auquel toutes les joueuses sont soumises après chacun de leur match malgré la fatigue, la déception de la défaite et les questions parfois étonnantes et niaises des journalistes.
Quelques médias ont repris la manchette du Journal Métro et des commentateurs de l’actualité sportive se sont livrés à une interprétation particulièrement négative des propos de la joueuse, souvent hors-contexte. Malheureusement cette attention médiatique écorche la réputation de l’athlète et provoque un malaise auprès des amateurs de tennis à l’égard de la joueuse originaire de Westmount.
Ce n’est pas la première fois qu’Eugenie Bouchard fait la manchette autrement que pour ses exploits sur les courts de tennis. Au tournoi de Roland-Garros en 2014 elle avait répondu ainsi à une question portant sur sa maîtrise de la langue française : « Je pense que j’ai un accent un peu plus comme anglais, je ne parle pas si souvent français, mais… je ne parle pas avec un accent québécois, alors au moins, ça, c’est bon ». Cette réponse en avait étonné plusieurs et avait contribué à alimenter une controverse inutile autour de son attachement au Québec.
Il serait trop facile de blâmer les journalistes et les médias qui semblent alimenter une relation trouble avec Eugenie Bouchard. Mais l’athlète pourrait s’éviter bien des soucis en portant une attention particulière à ses déclarations et mieux se préparer à ses rencontres avec les journalistes. À Washington, Eugenie Bouchard n’avait qu’à témoigner de l’enthousiasme à l’idée de retrouver ses fans « à la maison » pour générer de la sympathie et contribuer à développer une atmosphère de fête autour de son retour à Montréal.
Les fans de tennis aiment Eugenie Bouchard. Parfois – et j’en suis – d’un amour inconditionnel pour l’athlète qui a débuté la pratique de ce sport ici même à Montréal. Ses exploits – particulièrement en 2014 – ont enflammé la planète tennis qui a vu en « Genie » une championne potentielle. Et tous les amateurs de tennis souhaitent qu’Eugenie Bouchard grimpe à nouveau les échelons du classement pour se retrouver parmi la crème de l’élite mondiale. Elle est aimée et adulée mais elle doit prendre conscience que cet attachement est fragile. Et peut être éphémère.
Il est clair qu’Eugenie Bouchard se considère une citoyenne du monde plutôt que montréalaise ou québécoise. C’est sans doute l’effet jet-set mais aussi une caractéristique générationnelle. Il semble aussi qu’elle et son clan considèrent que sa notoriété internationale est plus importante et lucrative que sa réputation au Québec. On n’a qu’à suivre les activités promotionnelles et commerciales auxquelles se livre l’athlète pour s’en convaincre par rapport aux efforts investis pour développer et consolider le lien de confiance avec le public québécois et même canadien. On semble oublier cependant qu’une réputation, tout comme une maison, a besoin d’une fondation solide et bien ancrée.
Je ne crois pas que l’image d’Eugenie Bouchard ne soit véritablement entachée par ses propos – ou par l’interprétation de ses propos – ou par son attitude devant les journalistes (et certains diront dans les médias sociaux). Nous le verrons d’ailleurs à son premier match mardi prochain à la Coupe Rogers alors que tout le stade Uniprix vibrera pour l’athlète montréalaise. Mais il est clair que les amateurs d’ici s’attendent à une plus grande reconnaissance de celle que nous encourageons pendant toute la saison. Eugenie Bouchard pourrait suivre l’exemple de Céline Dion : mener une carrière internationale en prenant soin de son tout premier public. Nous aurions alors l’impression que nous faisons partie du clan !
Pour suivre Genie :