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Suspendue pour dopage : Sharapova a-t-elle sauvé sa carrière et sa réputation?

14 juin 2016
par Steve Flanagan

Le verdict d’un jury indépendant mandaté par la Fédération international de tennis (ITF) est tombé le 8 juin 2016 : Maria Sharapova est suspendue deux ans pour avoir consommé du meldonium. L’onde de choc a secoué, encore une fois, la planète tennis et les tribunes sportives du monde entier.

Rappel des faits

Le 26 janvier 2016, la Russe Maria Sharapova dispute un match en quart de finale contre l’Américaine Serena Williams aux Internationaux de tennis d’Australie. Après sa défaite, un échantillon d’urine est prélevé et soumis à un laboratoire accrédité de Montréal dans le cadre du programme anti-dopage de l’ITF. Quelques jours plus tard, le 2 février 2016, un deuxième échantillon est prélevé lors d’un contrôle anti-dopage à Moscou.

Le 2 mars 2016, l’ITF transmet à l’athlète une lettre l’informant que ses échantillons contenaient du meldonium, un produit interdit d’utilisation et inscrit à la liste des produits prohibés depuis le 1er janvier 2016. Le 4 mars 2016, Maria Sharapova répond à l’ITF et reconnaît sa faute en exigeant d’être entendue par un jury indépendant. C’est ce dernier qui vient de sceller – du moins pour le moment – le sort de la joueuse de tennis pour les deux prochaines années. Mais Sharapova n’a pas tardé à porter sa cause en appel jugeant que la sentence imposée est trop sévère.

Maria Sharapova s’en tire bien. Son appel de la sentence pourrait même lui permettre de réduire la durée de sa suspension et de reprendre la compétition plus rapidement. De plus, la sportive la mieux payée au monde en 2015 a réussi le tour de force de conserver le soutien de ses principaux commanditaires Nike et Head. Dans le cas de Nike, qui avait mis en attente un contrat de 8 ans d’une valeur de 128 millions de dollars CAN, il s’agit d’un appui de taille à la Russe qui a testé négatif lors d’un autre contrôle anti-dopage en mars dernier.

D’un strict point de vue de gestion de sa réputation (et de sa carrière), Maria Sharapova a été impeccable. Sa conférence de presse surprise, le 7 mars 2016 à Los Angeles, a donné le ton à la défense de son intégrité. En agissant avec célérité et en annonçant et reconnaissant elle-même sa faute elle a coupé court à d’éventuelles rumeurs folles en proposant aux journalistes et amateurs de tennis, de même qu’aux membres du jury indépendant, sa version des faits qui a été entendue et partagée sans distorsion. Son message était clair et comportait trois éléments :

  1. J’ai échoué un test anti-dopage et je suis responsable;
  2. Je prenais du meldonium depuis dix ans pour des problèmes de santé et non pas pour améliorer mes performances; et
  3. Je n’étais pas au courant que ce produit était interdit depuis le 1er janvier 2016.

Le message de Sharapova a non seulement été entendue par les membres du jury indépendant de l’ITF mais il a été retenu. Le Tribunal a souligné la célérité avec laquelle l’athlète a reconnu avoir échoué son test anti-dopage et n’a pu démontré avec certitude qu’elle avait été informée de l’inscription du meldonium sur la liste des produits prohibés. De plus, et c’est sans doute le point le plus important du jugement rendu « …The Tribunal concludes that Ms Sharapova did not seek treatment (…) for the purpose of obtaining any performance enhancing substances, but for the treatment of her reccurent viral illness. All the substances recommanded (…) did at that time comply with the anti-doping rules ». En imposant une peine de deux ans de suspension le jury prend même la peine d’ouvrir la porte à un appel de la part de la joueuse!

Selon le magasine Forbes, Maria Sharapova avait encaissé jusqu’en 2015 plus de 285 millions de dollars US en jouant au tennis mais surtout en endossant les produits de ses commanditaires. L’annonce en mars dernier de l’échec d’un test anti-dopage a eu un impact certain sur la réputation de l’athlète. Nike, Porsche et Tag Heuer l’ont largué dans les heures suivant sa confession. L’indice Celebrity DBI de la firme REPUCOM aux États-Unis qui analysent les composantes de l’image des personnalités a confirmé une baisse substantielle de la crédibilité et de la confiance à l’égard Maria Sharapova dans les jours qui ont suivi sa conférence de presse. Toutefois, le pouvoir d’attraction (appeal) et d’attention (awareness) de la Russe auprès des consommateurs américains sont demeurés sensiblement au même niveau. Tellement, que le chocolatier américain Baron Chocolate n’a pas hésité à lancé un nouveau produit avec Sharapova en mai 2016. Et les commentaires reçus par l’entremise des médias sociaux de l’entreprise ont été à 70% positifs.

Bref, si Maria Sharapova a échoué un test anti-dopage qui aurait pu ruiné sa réputation et l’ensemble de sa carrière au tennis, la prise en charge de ses communications, la reconnaissance de sa faute, la clarté de ses messages et la rapidité avec laquelle elle a su s’imposer dans l’espace public lui permettent de croire que les impacts seront atténués. À 29 ans, dans le pire des scénarios, elle aura la chance de retourner à la compétition dans deux ans. Elle espère toutefois réduire sa peine à douze mois ou moins. Peut-être même représenter la Russie aux Jeux olympiques de Rio en août 2016. Elle s’est toutefois donnée la chance de revenir à la compétition et de préserver en grande partie sa réputation mais surtout l’amour inconditionnel de ses fans qui la croient.